
Luigi Zuccante a passé de nombreuses heures à observer les gibbons du parc forestier de Cha-am, et il en a tiré un ouvrage inspirant. Extrait :
Si sur le plan anatomique, il présente de nombreuses ressemblances avec les autres grands singes, son mode de vie et ses aspects comportementaux différent complétement. Il n’est pas avide de pouvoir comme le serait un chimpanzé ou un boulimique du sexe comme un bonobo (selon les observations sur le terrain de Frans de Waal, éthologue et primatologue). Le gibbon n’a rien de commun avec eux. De la même manière, peut-on mettre sur le même plan un ariègeois retiré au fin fond de sa montagne et un trépidant citadin évoluant dans des espaces bétonnés ? Ou encore un européen et un hindou ? Et pourtant, tous appartiennent à l’espèce humaine.
Le gibbon, monogame, n’a que très peu de rapports avec ses congénères. Sa philosophie serait plutôt “chacun chez soi” et “pour vivre heureux, vivons cachés”. Il défend âprement le territoire dont il a besoin et c’est peut-être la seule chose qu’il lui soit nécessaire au monde pour évoluer en toute liberté et sereinement. Mais peu à peu son habitat se rétrécit, entraînant son extinction. Sa disparition est déjà constatée dans plusieurs régions d’Asie du Sud-Est, là où il a toujours résidé.
Les différentes publications montrent l’importance qu’accorde l’homme aux faits observables et tangibles. Les constats permettent souvent des comparaisons avec notre société humaine qui devient ainsi un centre de repères, de référencement. Nous savons parfaitement étudier certaines sociétés animales que ce soient les abeilles, les loups ou encore les chimpanzés. Il est assez facile alors de mettre en place un lieu d’observation et de repérer les interactions ou les comportements présentant un intérêt.
Rien de tel avec le gibbon car comment observer un animal qui vit sur la canopée au-dessus de nos têtes, masqué par les feuillages et qui file à 50 kilomètres à l’heure voire 80 kilomètre/heure dans les branchages, qui s’enfonce au plus profond de la forêt lorsqu’il sent le danger, qui se déplace souvent ? S’il n’y avait son chant qui permette de le repérer et de le localiser, aurait-il été découvert ? En Chine, on ne sait plus si certains gibbons sont encore présents ou non car du fait de leur disparition progressive et de l’absence de congénères, ils ne chantent plus !
Le gibbon apparaît comme un être à part qui suscite la curiosité et que l’on a envie de comprendre et de connaître. Il ne cherche pas à séduire et pourtant il séduit par la grâce de ses mouvements, la profondeur de ses chants et sa naturelle réserve.
Cela pose évidemment des questions sur la manière dont se construit la connaissance qui s’appuie le plus souvent sur notre expérience du monde sensible, celui que l’on perçoit, celui avec lequel nous avons un rapport tangible. Que fait-on alors de tout ce qui ne se voit pas, de ce qui ne laisse pas de traces ? Sûrement, les progrès scientifiques dotés d’instruments toujours plus performants nous permettront d’aller plus loin et de répondre à ces questions.
Les gibbons photographiés dans cet ouvrage sont des gibbons à mains blanches (ou gibbons lar) vivant dans une forêt près de Cha Am au sud de la Thaïlande.
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- Voyez le site de Luigi : luigizuccante.com
J’apprécie beaucoup ce texte. Ces gibbons sont magnifiques. Il faut les empêcher de disparaître en préservant la forêt.